Photographie

MAGALI LAMBERT




PRÉDATIONS – 2022 – Photographies incisées (extrait)

Une photographie de proie – taxidermie, avec un tirage sur papier Fine Art mat – est mêlée à une photographie de prédateur – vivant, tirage sur papier baryté brillant – par le biais de la superposition et de la découpe des photographies, le tirage supérieur agissant comme un masque.
J’ai choisi de photographier un labrador – utilisé par les chasseurs comme chien «rapporteur» (il rapporte le petit gibier
à ses maîtres) – et une tête de chevreuil devenue trophée de chasse. Les deux sujets sont captés sur le même fond,
avec la même lumière, en prise de vue studio. Les inclinaisons de têtes sont volontairement les mêmes : ainsi, les deux
gueules semblent se rejoindre en première lecture. L’association des deux créatures créée par la découpe du tirage
supérieur révèle une troisième entité mutante où proie inerte et prédateur vivant se confondent. Cette troisième entité échappe aux hiérarchies de la chaîne alimentaire, à l’instrumentalisation humaine. Elle est hybridité, chimère, monstruosité.




EN MIROIRS – 2022

Projet mené dans le cadre de la résidence Photo Mérignac – Agence VU’

J’ai entrepris la série En miroirs en observant le parc du vivier et ses reflets. Sur les  bâtiments de la mairie et sur la surface des lacs,  la végétation, les animaux et le ciel impriment leurs couleurs changeantes, leurs matières foisonnantes.

Les photographies ont été réalisées durant l’automne et l’hiver. Les branches dénudées, les sols jonchés de feuilles mortes plantent le décor de la série. Les images d’En miroirs, présentées au printemps et en été, prennent place au sein du même décor. Chacune opère, par le biais du miroir et de la scénographie, une mise en abyme du lieu ainsi que du procédé photographique. Le miroir de l’appareil observe celui du parc. Les quatre saisons se juxtaposent.



PASSANT DU CIEL BLEU – 2019-2021 – Diptyque de photographies superposées

Texte d’Emmanuelle Lambert, écrivaine

Le bouquet est une offrande. Souvent, lorsqu’on veut faire honneur à nos morts, on fleurit la tombe. Selon certaines traditions on apporte de la nourriture, du tabac. Dans les cercueils de menus objets, des fleurs encore, pour la traversée. Même Pharaon partait avec des fleurs.
Mais lorsqu’il n’y a pas de tombe. Lorsque l’homme libre, qui, toujours aura chéri les poètes, tous les poètes qui tous, à un moment, se penchèrent doucement sur les fleurs – lorsque cet homme- là a voulu que son petit tas de cendres, ses restes modestes rejoignent l’infini dans la mer, la « rauque chanteuse » de Baudelaire ? Où poser la fleur, qui aura reçu la joie, les pleurs, l’amour, et nourrira le mort, où qu’il aille ?
On dit que les chrysanthèmes sont des stars de cimetières car elles sont très résistantes. L’hommage dure, la pensée persévère. Il y a même des fleurs en plastique, en verre, en céramique. Des messages ouvragés. Peut-être, un jour, usinera-t-on des fleurs comestibles aux poissons, pour nourrir l’homme libre, dont la mort s’est fondue à la mer. Ce serait bien, du vif et du mort dans l’eau, tout mélangés, irisés, pétales et restes, et branchies. Ce serait comme dans les grands bouquets de Magali.
Nous n’avons pas de tombe, pour notre père. Alors elle a construit son autel portatif, infini, elle y a mêlé les morts et les vivants, la fleur éternellement neuve et celle déjà fanée, superposées, tourbillonnées. Elle y a encapsulé le temps. Il tient sur d’infimes secondes, étendu entre deux bouts de vers d’un poème qu’il déclamait sans cesse – « Les roses, envolées / Dans le vent, à la mer s’en sont toutes allées », car l’un des poètes préférés du père, Marceline Desbordes-Valmore, était une poétesse.

Quelques mots de Brigitte Patient
Sur les murs de @vu_galerie a @parisphotofair, il y a la photo du haut. Mais en fait c’est un diptyque. @carolinebenichou et @magalilambertparis m’ont proposé de regarder l’autre photo, celle du bas. Elles l’ont sortie de la réserve, l’ont posée par terre. C’était lourd. C’était bien de voir ces deux œuvres qui me parlent infiniment. L’histoire d’un « autel portatif, infini, elle y a mêlé les morts et les vivants, la fleur éternellement neuve et celle déjà fanée, superposées ». Ces mots entre guillemets sont ceux de la sœur de Magali Lambert qui est écrivaine : Emmanuelle Lambert. Bouquet vivant, bouquet fané. La mort est passée mais avec les superpositions sur les bouquets ( vous aurez peut-être du mal à les voir avec ma photo), le vif s’anime. « Elle y a encapsulé le temps, il tient sur d’infimes secondes, tourbillonnées ». Si demain vous êtes par là, allez sur le stand, et dîtes moi, sans doute votre dialogue avec ces deux photos sera différent.




REGARDS CROISÉS – 2021 – Photographies (extrait)

Le Musée château de Saumur m’a proposé de choisir des œuvres parmi leurs collections afin qu’elles dialoguent avec certains de mes travaux. J’ai alors imaginé l’exposition Regards croisés sur la nature sur le principe du détournement des dioramas des Museum d’Histoire Naturelle.

Les animaux sont tournés vers les paysages photographiques au lieu d’être tournés vers les spectateurs comme dans un diorama traditionnel. Ils nous tournent le dos. Ils sont les premiers visiteurs du musée, ils sont les regardeurs, les porteurs de nos propres interrogations.

Dans cette série, j’ai photographié certains détails de ces installations afin de créer un corpus photographique à part entière. Les paysages sont issus de deux séries : Miroirs du temps réalisée à la Casa de Velasquez en 2013 et Celui qui dit l’ombre réalisée en 2015.


À DOMICILE – 2020 – Photographies (extrait)
AT HOME – 2020 – Photographs (extrait)
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J’ai initié la série À domicile dès le premier jour du premier confinement lié au Covid 19 en France, à Paris. J’ai réalisé une photographie chaque jour confiné. Les 54 images de la série témoignent de ce temps particulier, en suspens, à l’intérieur.
Je fais partie de ces personnes privilégiées qui, grâce au labeur d’autres tenu.e.s de se confronter chaque jour au virus, ont pu rester enfermées chez elles, à l’abri, avec tout le confort moderne. Et leur outil de travail à portée de main.
Tout au long de ce confinement, je me suis appliquée à considérer ce qui m’entourait non plus comme de seuls objets usuels ou décoratifs, mais comme autant de symboles porteurs d’ailleurs. Ces petites choses quotidiennes, les miennes, sont devenues de possibles voies d’évasion.
Actrices de la vie matérielle, elles ont peuplé mes rêveries à domicile.

I initiated the series At home from the first day of the first confinement  because of the Covid 19 in France, in Paris. I shot one  photograph  each day of confinement. The 54 images in the series bear witness to this particular time, suspended indoors.
I am one of those privileged people who, thanks to the hard work of others who had to confront the virus every day, were able to stay locked up at home, sheltered, with all the modern comforts. And with their work tools at their fingertips.
Throughout this confinement, I applied myself to consider what surrounded me not as mere  daily or decorative objects, but as symbols that carry elsewhere. These little everyday things, mine, became possible paths to escape. 
As actors of the material life, they filled my daydreams at home.


COMME ILS RESPIRENT – Depuis 2001 – Photographies argentiques sur objets transparents (extrait)
AS THEY BREATHE – Since 2001 – Argentic photographs on transparents objects (extract)

Texte de Caroline Bénichou, galeriste

[…] Car chaque fois, les feuilles mortes / Te rappellent à mon souvenir / Jour après jour les amours mortes /N’en finissent pas de mourir
Peut-on jamais savoir par où commence / Et quand fini l’indifférence? / Passe l’automne, vienne l’hiver / Et que la chanson de Prévert
Cette chanson, Les Feuilles Mortes / S’efface de mon souvenir / Et ce jour là, mes amours mortes / En auront fini de mourir
Serge Gainsbourg, La chanson de Prévert
La photographe (glaneuse et confidente, gardienne du secret et du souvenir) recueille les récits d’amours passées et les portraits photographiques d’anciens amants de ses proches.
Puis (alchimiste et embaumeuse rituelle), elle réalise, avec Diamantino Quintas, un tirage argentique de la photographie sur un objet en verre (boîte, coffret, globe).
Voilà l’amant et le souvenir captifs du philtre des sels d’argent d’un fragile reliquaire photographique qui conserve jalousement les vestiges du deuil amoureux.
La couche de gélatine argentique enveloppe l’objet comme une seconde peau et l’amant affleure à sa surface. Une histoire à fleur de peau, en somme, métaphore de la photographie (qui fait au réel sa peau, comme l’écrivait Denis Roche) et de l’amour, un peu (on l’avait dans la peau, et c’est à lui qu’on ferait peut-être bien la peau, aujourd’hui).
Magali Lambert (consolatrice et dépositaire) conserve ainsi le souvenir que l’amante lui a remis, sous la forme d’une véronique par procuration photographique : transsubstantiation de l’être par la lumière à la prise de vue, puis de la photographie à l’objet de verre. L’artiste joue du reliquaire et de l’imago christi, de l’amour divin aux amours profanes il n’y a qu’un pas (sur les chemins de l’extase, en somme).
Pour pouvoir contempler le souvenir, il faut éclairer l’objet. Fiat lux. Vient à se produire ce que l’artiste n’avait présagé : à mesure que l’objet est exposé à la lumière, l’image se dégrade, et à petit feu, disparaît. Incarnation de l’amant, il passe à devenir une métaphore de l’oubli. La coïncidence est belle – mais est-ce vraiment une coïncidence pour elle, qui tant de fois a provoqué des résurrections ?–, pour celle qui dans sa série Eres una maravilla, exhumait puis recueillait des objets délaissés pour leur insuffler une vie nouvelle.
Mais alors, que restera-t-il de nos amours et de la photographie ?
Magali Lambert (chroniqueuse) entreprend de photographier et de préserver les étapes de la lente mais inexorable agonie. Elle les saisit, en quelque sorte jusque dans leur dernier souffle. Lentement, le souvenir s’abime, s’efface, pour sombrer dans le noir. L’amant sombre dans l’oubli, passe de l’être au spectre, puis à l’absence. Le support photographique sombre dans l’amnésie et laisse s’échapper l’image, l’amour, l’amant. La matière argentique desquamée adhère encore un peu à la surface de verre. Plus grand chose ne fait corps.



LES OISEAUX DISPARUS – 2017 – Photographies (extrait)
THE MISSING BIRDS – 2017 – Photographs (extract)
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Le Musée du château de Dourdan m’a passé commande, afin que j’interprète et mette en lumière leurs collections : celle présentée dans les salles du musée (mobilier, peintures, sculptures), et celle d’oiseaux naturalisés cachée dans les réserves depuis plusieurs années.

The Museum of the Château de Dourdan gave me an assignment to interpret and highlight their collections: the ones exhibited in the rooms of the museum, and the ones of naturalized birds hidden for years in the reserves.


TU ES UNE MERVEILLE (Collection belge) – 2017-2018 – Photographies (extrait)
YOUR ARE A WONDER (Belgian collection) – 2017-2018 – Photographs (extract)

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Série inspirée des Merveilles des Cabinets de Curiosités – biens précieux nés du mélange d’éléments naturels et artificiels, présentés dès la fin de la Renaissance en Europe – je réunis des formes naturelles et industrielles abandonnées, m’en empare et les fais glisser dans l’imaginaire collectif contemporain. Je les trouve, les collecte, les photographie puis les remets en circulation dans leur pays d’origine. Ces rencontres sont précaires, instables ou périssables. La photographie en assure la pérennité.

Inspired by the history and particularly the objects of the Mirabilia –  precious goods originating from a mixture of natural and artificial elements presented in the cabinets of curiosities, ancestors of today’s museums that appeared at the end of the Renaissance in Europe – Magali Lambert brings together natural and abandoned industrial forms, captures them and has them slide into the contemporary collective imagination. These encounters are precarious, unstable and perishable. The photograph ensures their durability.


TU ES UNE MERVEILLE (Collection française) – 2015 (extrait)
60 photographies, formats variés, couleur sur papier baryté
1 meuble « Cabinet » regroupant la série, en hêtre non traité
2 grandes planches de dessins sur papier calque
YOUR ARE A WONDER (French collection) – 2015 (extract)
60 photographs, various formats, color on Baryta Paper
1 « Cabinet » furniture made of  beech wood
2 larges drawings on layer paper


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ERES UNA MARAVILLA (Tu es une Merveille, collection espagnole) – 2013 (extrait)
Réalisée pendant la résidence à la Casa Velasquez (Académie de France à Madrid)
70 photographies, formats variés, couleur sur papier baryté, épinglés dans des boîtes à insectes
4 meubles « Cabinet » regroupant la série, en pin non traité
200 dessins
YOU ARE A WONDER (Spanish collection) – 2013 (extract)
70 photographs, various formats, color on Baryta Paper
4 « Cabinet » furnitures made of  pine wood
200 drawings

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CELUI QUI DIT L’OMBRE – 2015 – Photographies (extrait)
THE ONE THAT TELLS THE SHADOW – 2015 – Photographs (extract)

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Durant l’année 2014-2015, j’ai fait plusieurs séjours dans le centre de la France. J’ai suivi des chasseurs et des agriculteurs. Dès qu’ils étaient amenés à tuer un animal – le gibier des chasses, ou les nuisibles des exploitations agricoles – j’en ai réalisé le portrait. La vie réside encore dans l’œil. C’est le passage de la vie à la mort que j’ai ici photographié.

During the year 2014-2015, I stayed many times in the Center of France. I followed hunters and farmers. When they had to kill an animal (game hunting or pest from farm yards) I did it a portrait. The life still resides in eye. That’s the passage of the life in the death that I had photographed here.


PORTRAITS #1 – 2014 (extrait)
11 Photographies gravées, couleur sur papier brillant
PORTRAITS #1 – 2014 (extract)
11 incised Photographs, color on glossy paper

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Portraits de taxidermies usées collectées, ensuite mises en scènes dans l’installation Diorama #1 (2014).
En l’espace de quelques semaines, différentes personnes m’ont amené de vieilles taxidermies dans l’atelier. Ils n’en voulaient plus. Elles étaient très abîmées. J’ai portraituré les 11 objets-animaux. Une fois les portraits tirés sur du papier photographique brillant, j’ai gravé d’autres formes hybrides dans l’émulsion séchée.

Within few weeks, several people brought me old stuffed animals in the studio. They didn’t want it anymore. They were very nicked. I did portraits of the 11 object-animals. After the print of the portrait on glossy photographic paper, I have etched other hybrid forms on the dried emulsion.


DIORAMA #1 – 2014 (extrait)
1 Photographie 2,50 x 1,50 m – impression sur bâche
11 Taxidermies encirées
1 Boucle vidéo (0’52)
DIORAMA #1 – 2014 (extract)
1 Photograph 2,50 x 1,50 m – printed on a tarpaulin
11 Taxidermies waxen
1 video (0’52)

Collection de taxidermies usées, placées dans la nature à la tombée du jour, avec des bougies allumées sur elles, puis entièrement protégées par la cire.


MASSACRES –
2014
(extrait)
30 Photographies gravées, formats variables, noir et blanc sur papier brillant
TROPHIES – 2014 (extract)
30 incised Photographs, various formats, black and white printed on glossy paper


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Ce matin, je suis partie en forêt surprendre les ombres et c’est la vie qui m’a trouvée. Incarnée dans le corps d’une biche, dans le corps d’un cerf, incarnée dans le mien, nous étions là, la biche, le cerf et moi, dans la forêt, silencieux.

I went in forest to photography the absence of animals. The silence and the ghosts. When I sunk into the hollow of trees, I came face-to-face with a deer and a stag that didn’t run away. We stayed together for couples of hours. I have made print these photographs on glossy paper, and then I have etched the dried emulsion.